Animal i have become [libre]

[ Okay ce message est réservé aux personnes capables de traquer et retrouver Dean… Ca veut dire que ça réduit considérablement le champ… On est un Winchester où on ne l’est pas après tout… C’est qu’il a été à bonne école le petit et qu’il est parfaitement capable de se cacher]

Dans la chambre miteuse seule la lumière diffusée par le minuscule poste de télévision accroché à un pan de mur diffuse une lumière blafarde. Le son a été coupé. Les seuls bruits que l’on perçoit viennent des chambres voisines. A 40 dollars la nuit les murs ne sont pas assez épais pour garantir un minimum de respect de la vie privée.

Une silhouette massive se dessine dans l’obscurité. Ses gestes sont hachés, presque mécaniques. Le souffle court elle abandonne sur les draps une arme qui a servi depuis peu. Les vêtements ne tardent pas à suivre et d’un pas lourd elle se dirigent vers la salle de bain.

Pas de coup d’œil à son reflet dans le miroir. Elle en a horreur.

Avec violence, une eau brûlante s’abat sur les épaules robustes et un soupir s’échappe de ses lèvres. La buée envahie bientôt la minuscule pièce, brouillant ses repères et lui offrant une sécurité éphémère. A l’eau, se mêle un liquide plus épais à l’odeur métallique et la teinte d’un pourpre profond. L’illusion ne dure que quelques secondes et l’eau chasse les mauvais souvenirs. Ce n’est pas le sien. Elle reste longtemps à offrir ainsi sa peau à la morsure de la chaleur, immobile, les yeux fermés.

//

Son rythme cardiaque s’accélère et son cœur bondit dans sa poitrine. Dans un élan Dean se lance à la poursuite de la créature. Las branches lui griffent le visage et s’accroche à ses vêtements mais il ne ralentit pas sa course, accélère même.

Il la sait toute proche. La créature. Celle qui a mis fin à sa vie.

Il mettra fin à la sienne. Quoique cela en coûte.

Il n’a plus rien à perdre.

//

Puis elle se décide enfin à se mouvoir.

En enfilant des vêtements propres elle croise enfin son reflet et met un certain temps à se reconnaître. Cette haine dans le regard, cette insolence, cette colère.

Ce n’est pas lui.


[court - simple - efficace ]

Ses vêtements tâches de sang gisent sur le sol en un amas chiffonné. Ils les contournent. Sans importance. Avec la force de l’habitude il se dirige vers le petit frigo qui ronronne et crachote. Il en sort une bière. L’alcool et la fraîcheur du liquide lui brûle la gorge mais il le ressent à peine. Il abandonne là la bouteille vide et se saisit d’une autre. C’est devenu une habitude.

Il n’est plus qu’une loque. Sans importance aussi. Sans passé, sans avenir et sans futur. C’est comme s’il faisait parie des oubliés. Il a fallu qu’il goûte à quelque chose qui maintenant lui est interdit et son âme hurle, crie, se débat et se révolte. Lui aussi ce bonheur il veut y avoir le droit. Lui aussi il veut pouvoir être heureux. Sinon pourquoi continuer à se battre ? Pour que des autres en profitent ?

*bullshit*

Toujours dans le noir il se laisse tomber sur le lit qui grince sous son poids. Etonnant même que le truc tienne encore debout. Etonnant que la chambre entière ne s’écroule pas. Mais bizarrement il s’y sent bien. A l’abri, loin d’elle, loin d’eux, loin de tout. Son portable n’arrête pas de sonner, les messages s’entassent dans son répondeur mais il s’en fout. Il ne veut pas y répondre. Il veut disparaître. Disparaître pour ne plus souffrir.

//

« Je ne veux plus savoir sur quoi tu m'as encore menti... je ne veux plus... »

« Va-t-en Dean ! »

Et son visage. Ses larmes. Ses larmes qui criaient je te déteste. Je te déteste.

//

Un léger bruit. Un grattement à la porte. Puis un voix le sorti de sa torpeur. Une bouteille toujours à la main il se releva. Se gratta la tête et tenta de rassembler les morceaux. Il n’avait pas commandé de pizza. Il n’avait pas faim. Il se passa une main sur le visage et ébouriffa ses cheveux chocolat. Sa barbe lui picota la paume de la main et lui donna la sensation fugace d’être encore vivant.

Il ouvrit la porte et tomba nez à nez avec une paire d’yeux émeraudes. Ce visage il le connaît, ce regard aussi. Et il n’y a pas de pizza.

« Qu’est-ce que tu fais là ? » sa voix sortit avec difficulté, rauque, éraillée. Il restait dans l’encadrement de la porte, son corps faisant barrage. S’il ne répondait pas c’est qu’il y avait une raison.

« Et puis comment m’as tu retrouvé ? »

« Tu es seule ? » fit-il en haussant brusquement la voix. La colère était quelque chose qu’il maîtrisait mal ces derniers temps.

Appuyée contre le chambranle de la porte d’entrée, elle attendait. Elle attendait un signe de vie. De sa présence. Un soupir s’échappa de ses lèvres vermeilles, entr’ouvertes. Un souffle chaud, contrastant avec la fraîcheur de la nuit. Les secondes passent. Elles s’écoulent lentement, comme les grains de sable du Sablier du Temps.

Elle tendit l’oreille. Le bruit d’une porte de frigo que l’on ouvre. Du verre qui tape contre du verre. Un gémissement – provenant d’un matelas – et, ensuite... De nouveau le silence. La jeune femme décida d’attendre encore un peu, histoire d’en avoir le cœur net. Une longue mèche de cheveux bruns glissa devant ses yeux émeraude. Elle la repoussa du bout des doigts. Un nouveau soupir.

Il y a quelques jours à peine, il était avec elle. Ils plaisantaient et riaient ensemble. Ils se chamaillaient. Des souvenirs lui revinrent à l’esprit, la faisant brièvement sourire. Les souvenirs font parfois plaisir, parfois mal, mais ce sont une part de nous.

[FlashBack]

« Merci... Dean ? Je... »

La jeune femme rit de nouveau en baissant les yeux. Après quelques minutes, elle releva la tête, apaisée.

« Merci pour tout à l’heure. Peut-être que si je t’avais écouté, tout ceci ne serait pas arrivé. Désolée...Tu sais comment je suis... »

Un sourire se peigna sur ses traits fins, l’illuminant par la même occasion. Isabelle n’avait pas pour habitude de parler ainsi avec Dean, alors peut-être qu’il pensait que c’était un contre-coup de sa chute et de sa blessure, qui sait ?

« Tu ne peux pas savoir comme je suis contente de te revoir, Dean. »

Elle fit un pas en avant et le serra de nouveau doucement contre elle, prenant garde à leurs blessures communes.

[Fin du FlashBack]

Désormais, c’était lui qui avait besoin d’elle. Il avait su la protéger, dans un moment périlleux. Mais, maintenant, il avait besoin d’elle. Ou tout du moins, de parler. Pourquoi se serait-il mis à l’écart, sinon ?

Des bruits de pas. Sa respiration s’accéléra. La porte s’ouvrit. Son visage et son regard demeurant impénétrables, la jeune femme ne fut pas moins surprise de ce qu’elle vit. C’était lui, assurément, mais il avait changé. Tout d’abord, il avait un peu plus de barbe, mais ce n’était pas tout. Il avait tout l’air de quelqu’un qui est tombé au fond du trou et qui a du mal à en remonter... ou qui ne le veut pas vraiment. Or, l’homme qu’elle connaissait n’agirait jamais ainsi.

Isabelle le fixa, s’exclamant d’une voix faussement enjouée.

« Tiens, salut, toi ! Oui, moi aussi je suis contente de te revoir, tu sais. Oh, ça va, on fait aller, et toi ? Hm, super. Alors, tu deviens quoi ? »

Son regard émeraude glissa jusqu’à ses bottes à talons en cuir. Nouveau soupir. Silence.

« Je te connais. C’est comme ça que je t’ai retrouvé. Et, oui... Je suis seule. » souffla-t-elle alors qu’elle relevait la tête.

La jeune asiatique s’appuya de nouveau contre le chambranle de la porte. Il semblait bien décidé à ne pas la laisser entrer. Son ton était agressif, plein de colère. Elle savait que quelque chose n’allait pas, et bien que son ton la blesse, elle ne releva pas.

« Oh Dean... »

Son masque impénétrable tomba, révélant toute l’inquiétude qu’elle éprouvait à son égard. Ce n’était pas de la pitié, mais de la peine.

« Que t’es-t-il arrivé ? » murmura Isabelle, en le dévisageant.

Elle tendit la main vers lui, mais, à la moitié du parcours, elle s’immobilisa. Il n’aurait peut-être pas envie qu’elle le touche. Ses yeux allèrent de sa main au visage du jeune homme avant que son bras ne retombe mollement contre son corps.

Il se sentait pris au piège. Obligé de rendre des comptes sur sa présence ici, obligé de rendre des comptes sur ses agissements. Or il avait justement fui pour ne plus rien devoir à personne jamais. Il lui faudrait à nouveau partir, à nouveau trouvé un endroit où il serait seul et se cacher encore.

Il détourna le visage alors qu’elle déblatérait sur le ton de la conversation, un sourire factice collé à son visage d’ange. Non il n’allait pas bien. Non il n’était pas content de la voir. Non il n’avait pas envie de discuter. Il ne voulait rien. Plus rien.

« Tu me connais… » fit-il en étouffant un ricanement.

//

Quelques secondes plus tôt elle était à sa merci cette ordure. Il la tenait, enfin. Il mettrait fin à son existence misérable, à la menace qu’elle représentait. Puis il retournait à la sienne, qui ne valait guère mieux en réalité.

Mais il avait disparu. Volatilisé. Pendant des jours il l’avait traqué et encore une fois cet enfoiré lui échappait.

BORDEL !

//

Il eut un mouvement de recul lorsqu’elle amorça un geste vers lui et porta la bière qu’il tenait à la main à ses lèvres. Il en but un quart tout en la fixant du coin de l’œil. Même s’il n’appréciait pas son initiative il devait avouer qu’il était bluffé par la facilité avec laquelle elle l’avait retrouvé. Elle pourrait peut-être servir à quelque chose finalement.

« Tu as quelque chose sur cette saloperie ? »

Il faisait référence au démon. Pour une raison X ou Y il fallait plus d'une balle pour en venir à bout et comme son père la bête était devenue son obsession. Il ne vivait plus que dans l’optique de la détruire et écrasait quiconque se mettait en travers de son chemin. C’était devenu la seule chose à laquelle il était capable de penser. Parce que le reste le faisait trop souffrir.

Il n’avait toujours pas esquissé le moindre geste pour la laisser entrer. Il ne le ferait que s’il obtenait une réponse positive de sa part et un début de piste tangible. Trop de personnes avaient souffert par sa faute et il était impensable que cela continue. Il s’en volait même pour ce qu’avait pu ressentir Josh en apprenant que Marie était à l’hôpital. C’était pour dire…
Il jouait les grandes gueules mais en réalité il était loin d’être aussi insensible que ce qu’il voulait faire croire. Son stupide ego masculin le poussait à entrer en compétition avec le jeune homme pour tout et rien. Mais dans le fond il l’aimait bien ce gamin.

« Alors ? » cracha-t-il avec amertume.

La patience non plus ce n’était pas son fort ces derniers temps.

Isabelle fixait son regard émeraude sur le visage fatigué de son ami de longue date, Dean Winchester. Mais il n’était que l’ombre de lui-même, un pantin désarticulé, une carcasse vide... Elle caressa du regard les contours de son visage, s’attardant sur les endroits les plus marqués. Puis, ses yeux glissèrent vers la bouteille de bière qu’il tenait dans sa main. Il était entré dans un tunnel rempli d’alcool et de démons. Une existence qui finissait par vous tuer à force.

Elle fronça exagérément des sourcils lorsqu’il marmonna « Tu me connais... » avant d’étouffer un ricanement. Quelque chose qu’elle ne lui connaissait pas. Il semblait empli de rage, de tristesse, de désespoir. Un mauvais cocktail, qui pouvait exploser à tout moment.

« Oui, je te connais. Ou tout du moins, je connais Dean. » lui répondit-elle doucement.

Elle serra imperceptiblement les dents lorsqu’elle le vit reculer légèrement alors qu’elle avançait sa main vers lui. Elle avait touché dans le mile, il ne supporterait aucun contact. Tandis qu’il portait la bière à ses lèvres et en avalait de généreuses gorgées, le regard couleur d’ambre demeurait posé sur elle, comme s’il réfléchissait à la meilleure manière dont il pourrait se servir d’elle. Isabelle n’aimait pas ce regard. Elle le soutint, de nouveau son masque imperturbable sur le visage, ses yeux émeraude devenant pierres.

La jeune femme asiatique haussa un sourcil, feignant momentanément de ne pas comprendre de quoi il parlait. Pourquoi désirait-il savoir ce qu’elle avait appris sur ce démon ? La réponse était simple. Dean voulait mettre fin à la ‘’vie’’ de cette créature, de cet esprit malfaisant. A n’importe quel prix.

Isabelle le fixa, silencieuse. Elle ne savait pas si elle devait lui dire ce qu’elle savait – à savoir quelques renseignements sur l’endroit où il pourrait se cacher et deux ou trois choses en plus – ou se taire et essayer de le raisonner. Elle resta ainsi, à l’observer et à peser le pour et le contre jusqu’à ce qu’il lui lance « Alors ? » d’une voix bourrue.

« Ecoute, Dean... » Elle s’interrompit et soupira avant de reprendre : « De toute façon, tu ne te laissera pas faire tant que tu n’auras pas un début de piste. Or j’ai bien l’intention de tenter de te remettre sur les rails. Donc... J’ai des informations, oui. Mais d’abord, tu me laisses entrer. Ok ? Sinon, c’est toi le perdant. »

La Chasseuse d’Esprits fixa son regard émeraude qui redevint doux, dans celui – perdu – de Dean. Elle savait qu’il n’allait peut-être pas apprécier ce qu’elle venait de dire, mais c’était un risque à courir. Il fallait qu’elle essaie quelque chose. Et puis, qui sait ? Elle arriverait peut-être à le raisonner.

« Juste une chose. Si tu décides de ne pas me laisser entrer, je veux que tu saches que je reviendrai, je ne te dirai pas quand – de toute façon, si je pars tu quittera cet endroit dans les plus brefs délais – je reviendrais avec Sammy. Tu sais, ton frère. Celui qui est tout seul entrain de se ronger les sangs pour toi. Oui, parce qu’il s’inquiète. Vous êtes de sacrées têtes de mules, tout les deux, et vous ne savez pas à quel point l’un tiens à l’autre... Donc, si tu ne me laisses pas passer, attend-toi à une visite. »

Elle n’avait pas dit cela pour le menacer, mais pour lui faire prendre conscience qu’il causait du soucis, à son jeune cadet. Et puis, Sam était un Winchester. Même si cela prendrait du temps, il arriverait à le retrouver, avec l’aide de son père. Isabelle avait omis volontairement de parler de son père et de sa mystérieuse petite amie, pour ne pas l’énerver davantage. Déjà que tout cela n’allait pas forcément lui plaire...

*great*

Il fit mine de ne pas relever la pique qu’elle venait de lui lancer. Il n’avait que faire de l’avis des autres. Elle pourrait penser ce qu’elle voulait sur son comportement ou sa façon de parler il ne se laisserait pas atteindre par ses remarques. Il en était arrivé à un stade où son obsession le rongeait complètement, l’empêchant d’avoir un comportement dit normal.

Bien qu’il ait été confronté dés son plus jeune âge à cet univers , il n’avait jamais appris à gérer ses sentiments. La tristesse à laquelle il devait faire face, suite à la perte conjointe de son enfant et de Marie, ajoutée au sentiment de culpabilité qui l’étreignait était visiblement de trop. Il savait que rien de tout cela ne serait arrivé s’il ne s’était pas accrochée à elle. Rien.

Il affirma un peu plus sa prise sur la bouteille qu’il tenait, fixant avec un certain mépris la jeune femme qui lui faisait face. Mais elle tenait bon, restant impassible devant ses provocations et peu à peu elle finissait par avoir raison de son humeur. Avec l’alcool, ils oscillait entre des périodes où il aurait voulu tout broyer de ses mains et d’autres où il n’aurait pas supporté de sortir de sous sa couette.

Mais il fit le tri entre le s reproches qu’elle lui assénait et ce qui l’intéressait vraiment. Plus que l’inquiétude qu’il provoquait chez ses proches il y avait ce petit détail qui avait attiré son attention. Elle savait. Elle savait quelque chose. Peut-être pas grand chose mais elle avait quelque chose. Même le plus petit indice lui était précieux.

« Bien… » se contenta-il de répondre.

Son regard était voilé. Pas une fois il n’avait essayer de rire ou d’alléger l’atmosphère alors qu’il n’aurait pas supporter ce genre d’ambiance en temps normal.

« Bien… » fit-il encore une fois les dents serrées avant de s’écarter de la porte.

Il s’enfonça dans la chambre et lui tourna le dos, lui laissant ainsi l’accès à la pièce. Il ne pourrait pas l’empêcher de prévenir son père ou son frère si elle en avait envie. Mais avant de disparaître à nouveau il pourrait sans doute lui soutirer assez d’informations pour se lancer à la recherche de la créature.

Il posa sa bouteille sur la table, dans un bruit mat. Il fallait qu’il ait les idées claires pour la discussion qui allait suivre. Le désordre environnant ne le gênait pas. Partout sur les murs et sur la table étaient épinglés des articles, des cartes, des notes… Toutes en rapport avec le démon.

« Je t’écoute… » fit-il en osant à nouveau se tourner vers elle.

Soit elle avait quelque chose pour lui soit elle dégageait et vite.

« Tu n’es quand même pas venue pour rien… »

Isabelle s’étonnait toujours de la facilité avec laquelle Dean restait « décontracté » dans n’importe quelle situation. Jusqu’ici, elle ne l’avait jamais vu aussi malheureux, aussi anéanti. Et bien qu’elle ait du mal à l’admettre, cela lui brisait le cœur, plus qu’elle n’aurait pu le penser. Maintenant qu’elle le voyait aussi désarmé, elle comprit qu’ils se ressemblaient un peu plus qu’elle ne le croyait. Ils se cachaient toujours derrière une façade remplie d’humour, de plaisanterie, pourquoi pas de drague aussi... Mais jamais ils ne laissaient passer leurs sentiments les plus profonds... Sauf quand quelque chose les tuait. Tuer, au sens détruire, toucher mortellement le cœur, l’âme... Elle n’avait ressentit ce sentiment qu’une seule fois, quand elle s’était enfuie de chez elle, alors que sa mère était encore à l’intérieur – pleine de sang – avec ce démon dont elle ignorait toujours l’identité et avec le cadavre de son père. Elle avait dû l’abandonner, pour survivre. Mais sa mère n’aurait pas intéressé l’esprit. Sans savoir pourquoi, elle le savait, du plus profond de son être.

Alors qu’elle repensait à son passé, une image s’imposa dans son esprit :

***

Le silence perdure. Isabelle s’immobilise. Elle ne sait pas ce dans quoi elle marche, mais, brusquement, les lumières se rallument, offrant à son regard un spectacle peu réjouissant.
Juste à ses pieds, le corps de son père gît, sur le ventre. Sa peau semble avoir été brûlée par un puissant acide, il n’en reste quasiment rien. D’ailleurs, à certains endroits, on peut apercevoir le blanc de ses os. La jeune adolescente recule de quelques pas, une violente envie de vomir la saisissant soudain : elle marchait dans le sang d’Andrew. Il y en avait partout. Sur le sol, sur les murs, sur les meubles. C’était... Démoniaque.



Un court instant, le masque qu’elle s’était forgé se fissura, laissant une moue de dégoût apparaître sur son visage, aux traits fins et asiatiques. Mais Isabelle reprit rapidement le dessus. Elle n’avait craqué qu’avec Sam, alors qu’elle pensait être aux Portes même de l’Enfer, mais elle ne referait pas cette erreur deux fois. Surtout avec Dean. Surtout aujourd’hui. Surtout dans l’état dans lequel il se trouvait. Et puis il ne l’écouterait certainement pas.

La jeune femme attrapa une mèche de cheveux bruns, qui venait de s’échapper de derrière son oreille, pour l’y remettre. Elle continua d’observer ‘’tranquillement’’ le Chasseur d’Esprits, ne répondant pas à ses attaques, à ses provocations, restant aussi calme que possible. Cela ne servirait à rien de s’énerver. Elle vit son doux regard ambré se voiler, et la peine, la tristesse l’envahi furtivement.

Il était dans un état mental et physique catastrophique mais elle ne pouvait rien faire pour l’instant, pour l’aider. Il lui fallait attendre, attendre qu’il veuille bien la laisser faire. Attendre qu’il retrouve un peu de lui-même. Jusque là, elle devrait se montrer patiente, et garder une oreille attentive.

Après un léger temps d’hésitation, Dean la laissa entrer, n’attendant pas qu’elle le suive pour s’enfoncer dans la pièce. Elle le regarda se diriger vers la table. Isabelle demeura quelques secondes sur le palier, avant d’entrer et de refermer correctement la porte derrière elle. Malheureusement, ce n’était pas une de ces grosses et bonnes portes de bois dur, non, c’était un simple morceau de bois fin. Elle détestait ce genre de porte. Pourquoi ? Parce que depuis qu’elle avait failli mourir, avec son père et sa mère, elle essayait d’avoir un sentiment plus que sécurisant, chez elle, et cela se traduisait par : des portes en bois dur, des fenêtres avec de gros carreaux épais et qui se fermaient bien – avec des volets, c’étaient les meilleures, pas de cheminée, et quelques autres petites choses.

C’est donc avec une certaine appréhension qu’elle s’enfonça à la suite du jeune homme dans la chambre. Partout, sur les chaises, aux murs, sur le lit, il y avait des papiers, des post-it, des notes,... Il était vraiment obsédé par ce démon, par cette chasse personnelle...

Isabelle leva vivement la tête vers Dean lorsqu’il lui adressa la parole. Il avait posé sa bouteille, apparemment près à lâcher la boisson pour des informations. Elle s’avança, s’arrêta pile devant lui, le regarda quelques secondes ainsi dans les yeux, puis, se détourna pour s’asseoir.

« Bien. Puisque tu ne veux savoir que cela... J’ai des informations sur cet esprit. Tu te souviens, quand on l’a trouvé, la première fois, aux alentours de Blue Earth, dans la petite ville... » Un petit rire étouffé vint perturber ses dires : « Désolée. Je me souviens du coup de la fantômette. J’espère que tu es resté en bons termes avec elle, parce qu’on va peut-être avoir besoin de tout ce qu’elle sait. Donc, je disais... Hm ! Il est toujours dans cette petite ville, d’après ce que j’ai pu récolter. Même s’il a réussi à venir à Blue Earth, il reste un esprit. Et un esprit aime bien hanter l’endroit de sa mort... Après, dans quelle maison, je l’ignore. Peut-être dans la même ? Je pense que le fantôme que tu as rencontré sait quelque chose. »

Elle s’interrompit, reprenant par la même occasion son souffle. Isabelle planta de nouveau son regard émeraude – qui demeurait étrangement doux, chaleureux – dans celui de Dean, et murmura doucement, assez fort pour qu’il puisse l’entendre :

« Je ne suis pas venue pour rien. Je suis venue pour toi, Dean... Pas pour te donner des infos sur ce démon, mais pour voir comment tu allais. Je m’inquiétai, moi aussi... Et puis... Tu me manquais... Espèce de porc-épic humain... »

La jeune femme eût un pauvre sourire, avant de baisser les yeux. Habituellement, elle n’arriverait pas à rester aussi posée, or, jusqu’ici, toutes ses paroles avaient été douces, calmes, son attitude et ses regards aussi. Elle ignorait pourquoi, mais elle se sentait incapable de s’énerver contre lui, même lorsqu’il lui lançait ses regards furibonds ou quand il lui adressait sèchement la parole. Il avait besoin de quelqu’un. Elle était là. Elle voulait être là pour lui.

Il était piégé dans un rage dont il n’arrivait pas à se défaire. Il avait bien essayer d’oublier et d’avancer mais chaque pas lui était trop douloureux. Alors il s’était appliqué à se servir de cette rage pour sa folle quête et fait naître la douleur chez les autres. Jamais il n’avait été aussi prompt à déclencher des bagarres dans les bars et il rendait les coups toujours plus forts. Il ne savait pas demander de l’aide. Il aurait été incapable d’expliquer clairement ce qu’il ressentait à Isabelle.

Le souffle court, sur la défensive il suivit du regard le moindre de ses gestes comme si elle pouvait être une menace pour lui. Il suivit son regard qui se posait sur ce qu’il avait amassé. Il ne faisait que tolérer sa présence parce qu’elle avait quelque chose à lui apprendre.

Il ne remarqua même pas la mine de dégoût qui gâcha un instant son visage. Ni même son hésitation à entrer dans la pièce. Tous les indices qui auraient pu lui montrer qu’elle se sentait mal à l’aise, que quelque part elle avait elle aussi besoin d’aide lui passèrent au dessus de la tête. Il était égoïstement malheureux. Il souffrait et personne ne pouvait ressentir ce qu’il éprouvait. En tout cas c’est ce qu’il croyait.

Il soutint son regard sans faiblir lorsqu’elle s’approcha de lui mais déjà il était plus calme que lorsqu’il avait ouvert la porte. Les intonations douces de sa voix finissaient par panser ses plaies à vif et il se laissait moins facilement dominé par ses émotions. L’attaquer de front n’était pas la bonne solution et cela Isabelle semblait l’avoir bien compris. En gardant son calme elle ne lui laissait aucunes prises, rien qu’il puisse retourner contre elle ou sur lequel il puisse s’énerver.

Lorsqu’elle mentionna fantômette il esquissa un début de sourire - le premier depuis un moment – avant de se renfrogner presque aussitôt.

//

Dean…


« Est-ce que c’est toi qui m’a fait venir là ? »

Dean… help me…

La voix résonnait dans la pièce, à la fois faible et puissante. Elle le fixait, le suppliait presque. « Je veux bien moi mais qu’est ce que je peux faire ? ». Elle stoppa subitement de pleurer et avança une main vers son visage. Du bout des doigts elle effleura sa joue mal rasée. Elle se rapprocha sans qu’il en ait conscience et sa paume glissa sur sa tempe. Il sentit une décharge électrique parcourir l’ensemble de son corps et des images venues u passé envahirent son esprit.

//

« Je ne crois pas que ce soit un esprit. Il y a plus que ça… Tu as bien vu que les armes n’avaient pas réellement d’effet sur lui.. Je suis sûr que… »

Il lui avait à peine laisser le temps de finir son discours avant de se lancer dans l’exposé de ses théories. Rien de bien concret pour l’instant, seulement des spéculations. C’était comme si la bestiole venait tout juste de faire surface. Il stoppa néanmoins lorsqu’elle prit à nouveau la parole. Elle avait à peine élevé la voix mais le ton sur lequel elle s’exprimait avait attiré son attention.

« Je vais très bien Okay ? » il avait repris un ton plus agressif.

« J’étais occupé… J’avais des trucs à faire… Ce démon… » Il serra les poings.

« Je ne peux pas le laisser continuer à tout détruire… »

Quand elle avait quitté sa mère, et que son interminable voyage avait commencé, Isabelle était emplie de haine, de rancœur. Si elle l’aurait pu, elle se serait jetée à la poursuite de l’ordure qui avait osé tuer son père et terroriser sa mère. Mais elle ignorait l’identité du démon, tout comme maintenant, d’ailleurs. Cependant, cela ne l’avait pas empêchée de se défouler sur tous les esprits qu’elle rencontrait, et même, une ou deux fois, sur des hommes dans des bars. Car certes, Isabelle était une femme, assez fine de constitution, mais il ne fallait pas la sous-estimer. Loin de là, même. Et n’importe quelle personne qui a travaillé avec elle ou qui l’a trop cherché pourra vous confirmer cela. Une fois, une femme qu’elle venait de secourir lui avait demandé ce qui l’animait. De la colère, des regrets ?

***

Isabelle remit sur pieds la jeune femme rousse, d’un geste purement mécanique. Sa débitrice lui empoigna alors violemment l’avant-bras, serrant si fort que ses jointures avaient blanchies.

« Mademoiselle ? »
« Lâchez-moi. »
« Répondez d’abord à ma question. »
« Vous me faîtes mal. » rétorqua l’asiatique, en tentant vainement de se défaire.

Même si la rouquine venait de se faire agresser par un esprit malveillant, elle n’en demeurait pas moins diablement énergique. La Chasseuse d’Esprits la dévisagea, la détaillant de l’éclat bleuté de ses prunelles au vermeille intense des ses blessures.
Un ange passa.
La jeune femme aux cheveux de feu marqua un léger temps d’hésitation avant de demander, d’une voix étrangement métallique.

« Pourquoi faites-vous cela ? »
« ... »

Cette question prit de court Isabelle. Elle la fixa intensément, ses yeux d’émeraude se posant par la suite au loin.

« J’imagine que c’est parce que je ne les aime pas. Ces erreurs de la Nature, comme disent certains. Et ils ne font rien pour améliorer leur réputation. »
« Répondez-moi avec votre cœur, pas avec votre haine. » souffla la jeune femme.

L’asiatique fronça les sourcils. Elle chassait les esprits depuis tellement longtemps... Pour qui se prenait cette femme ? Elle osait lui demander des comptes, alors qu’elle venait de lui sauver la vie ? Néanmoins, Isabelle lui répondit. Elle était intriguée par elle.

« Je les chasse, je les combats, parce que personne d’autre ne peut le faire. Je sais qu’il y a certainement d’autres Chasseurs, dans le Monde, mais qui prendrait ma place ? Je n’ai pas le droit de laisser les autres porter ce fardeau pour moi. »

Isabelle s’écarta de la rouquine, qui venait de relâcher son bras. Elle s’avança jusqu’à sa moto, sa seule amie. Alors qu’elle venait de monter en selle, le casque dans ses mains, un sourire vint flotter sur ses lèvres. Le premier depuis bien des mois.

« Et puis, je suis habituée, maintenant ! »



Isabelle vit, avec une joie dissimulée, un sourire ourler les lèvres de Dean. Depuis combien de temps n’en n’avait-il esquissé ?
Elle ne l’écouta que d’une oreille distraite, lorsqu’il commença à exposer sa théorie sur l’esprit. Cependant, la voix douce et posée de la jolie asiatique retentit de nouveau dans l’appartement, comme le son léger d’une cloche de cristal.
La Chasseuse ne s’attendait pas à un revirement de l’état de Dean, en aussi peu de temps, aussi, quand il lui adressa la parole de manière agressive, elle n’eu pas de sursaut.
Elle le laissa terminer, un petit sourire sans joie s’inscrivant sur sa bouche. Elle se doutait... Elle savait ce qu’il ressentait. Mais elle aurait beau le lui dire, il ne la croirait jamais. Tout comme elle n’avait jamais cru ce qui le lui avaient affirmé.

« Je sais que tout ce que je pourrai te dire ne te convaincra pas, Dean... Surtout si je t’affirme que j’ai déjà connu ça... Et que poursuivre ce Démon ne te servira à rien... Surtout s’il est aussi puissant que je ne le crains... De l’aide ne sera pas de trop, tu sais. Risquer ta vie, pour échouer au moment de le combattre, c’est ça, ton but ? Allons, Dean. Tu es fatigué. Las. La seule chose qui te tient éveillé, la nuit, et le jour désormais, c’est la haine que tu éprouves pour lui... Pour ce qu’il a commis... »

Isabelle marqua un temps. Elle se leva, reprenant son souffle. La jeune femme se rapprocha de son compagnon, restant à la fois impassible et débordante de compassion parfaitement dissimulée derrière un calme déroutant.

« Tu dois prendre une pause. Tu sais aussi bien que moi qu’à partir du moment où un Esprit a décidé d’échapper aux Mortels, il faut prendre son mal en patience. Tu as beau être l’un des meilleurs Chasseur qu’il m’a été donné de connaître, Dean, rends-toi à l'évidence, tu n’es pas Dieu. Je... » elle s’interrompit de nouveau.

La jeune femme baissa les yeux avant de les ramener vers le Chasseur. Il était si faible...

« Je ne veux pas te perdre. »

Elle demeura par la suite silencieuse, son regard émeraude ancré dans l’ambre de celui de Dean.

[ Plus court mais je voulais pas mettre de Flash-back ]

Dean restait impassible tandis qu’Isabelle parlait, encore et encore, avouant du bout des lèvres par des moyens détournés ce qui l’avait amenée à fréquenter des gens de son espèce et le monde de la nuit. Mais il restait sourd à ses mises en garde, à sa compassion, à son inquiétude.

Quelque part il était parfaitement conscient de ce qu’il faisait, de l’état dans lequel il se trouvait mais il s’en foutait. Il avait décidé de mettre fin à tout ça et si le seul moyen de mettre un terme à ce jeu macabre était de mourir il acceptait d’en payer le prix. Rien n’était plus important que la vie de ceux qu’il aimait. La sienne n’avait pas d’importance en comparaison.

Il était déjà mort.

Il soutint son regard un temps avant de se détourner d’elle et d’aller chercher la bouteille de bière qu’il avait abandonnée quelques instants plus tôt sur la table.

« Ne soit pas stupide. »

Il avala une gorgée de la boisson sans pour autant se sentir soulagé. S’il voulait faire passer ce qu’il ressentait il avait besoin de quelque chose de plus fort mais il doutait qu’il reste quelque chose dans le mini-bar. Il l’avait sans doute déjà vidé depuis qu’il était là.

« A t’entendre je ne suis bon à rien. Tu ne crois pas que j’arriverais à mettre la main dessus ? C’est pour ça que tu es venue ici ? Te moquer de moi ? »

Il avança vers elle un brin menaçant.

« VA TE FAIRE FOUTRE ! » lui cracha-t-il au visage.

« Tu crois que j’ai besoin de toi ? Que j’ai besoin de vous ? C’est le tour de qui après ? John va venir me mettre une fessée ? Allez tous vous faire foutre ! Tu m’entends ? Je trouverais ce salopard et je te jure que je mettrais fin à tout ça par n’importe quel moyen. Tu me fais rire avec ton sentimentalisme à deux balles. Si j’avais besoin de ça j’irais voir ce trou du cul de Sam. C’est son domaine après tout ! »

Il fit un pas de plus vers elle.

« Tu es comme les autres en fait. Je n’ai pas besoin d’une nounou je sais ce que je fais ! »

Il avait dit tout ça d’un ton rageur. Il refusait de croire qu’elle pouvait vraiment s’inquiéter pour lui et qu’il était sur une mauvaise pente. C’était plus facile pour lui de croire qu’il maîtrisait la situation. Il avait toujours eu ce rôle de grand frère qui veillait sur tout le monde, admettre qu’il avait peut-être besoin d’aide était difficile.

Isabelle ne possédait généralement pas beaucoup de sang froid. Elle était toujours prompte à dégainer son arme, afin de faire comprendre à son interlocuteur qu’il lui courait sur le système nerveux. Et il ou elle, comprenait assez vite. Mais là, elle savait que s’énerver ne servirait à rien. La seule chose que cela provoquerait, ce serait une dispute qui pourrait très mal tourner, vu dans l’état où se trouvait Dean. Et puis, à quoi bon ? A quoi bon s’énerver. Elle ne désirait pas le perdre.

* Everything but not this... * pensa la jeune femme, en le regardant, ses yeux émeraudes grands ouverts.

Elle garda son parfait masque d’impassibilité, de calme, surtout, même si cela devenait de plus en plus difficile. Dean, le vrai Dean... Celui qu’elle avait connu quelques mois auparavant, le Dean qui la draguait des fois, celui qui détestait qu’on insulte d’une quelconque manière sa voiture chérie, Dean, Dean, Dean... L’alcool, la douleur... Il avait changé. Ce n’était pas irréversible, comme il semblait le penser. Isabelle porta une main fraîche à son front. Elle l’écoutait, buvant ses paroles mais n’en n’apportait pas d’importance. Il avait bu. Il était triste. Il souffrait.

* Oh Dean... *

La belle asiatique l’observa retourner chercher sa boisson, et se remettre à boire. Ce n’était pas bon signe. Lui qui, quelques minutes auparavant, semblait prêt à arrêter... Il ne l’était peut-être pas, finalement...

Elle grimaça lorsqu’il lui hurla d’aller « se faire foutre ». Les effluves de l’alcool lui parvinrent violemment au visage, et la haine, la rancœur, la douleur qu’il éprouvait se communiquèrent à la jeune femme qui baissa la tête, en signe de soumission, tandis qu’il lui débitait des paroles emplies de rage.

Le temps s’écoula, le flot de paroles que Dean prononçait tourbillonnait dans l’esprit d’Isabelle. Elle savait qu’elle ne devait pas y accorder de l’importance, mais c’était plus fort qu’elle. Si la personne qui compte le plus pour vous vous crie dessus, vous dit d’aller vous faire foutre... Y accorderiez-vous de l’importance ? Même en sachant qu’il ou elle est sous l’emprise d’un peu d’alcool, et qu’il ou elle a vécu des évènements qui l’ont forcé(e) à agir ainsi...


« Tu sais très bien que ce n’est pas le cas, Dean. » souffla-t-elle en se levant.

Dieu, qu’elle mourrait d’envie de lui mettre une bonne claque, histoire de lui remettre les idées en place ! Mais non. Cela ne servirait à rien. Strictement à rien. Elle le regarda, fixant ses iris émeraude dans les siens, avant de lui tourner le dos. Elle fit quelques pas, laissant le silence s’installer. La fine silhouette d’Isabelle s’aventura près de l’unique fenêtre. La noirceur empêchait de voir quoi que ce soit, à l’extérieur. Par contre, elle pouvait voir avec netteté le visage tourmenté de Dean... Et le sien. Son masque, celui qu’elle se forgeait depuis le début, menaçait de s’effriter à cause des paroles qu’il avait prononcées. Mais elle devait rester insensible... Pour le moment tout du moins. Pleurer, crier... A quoi bon.

« Tête de mule. »

Ces mots s’échappèrent de ses lèvres avant qu’elle n’eu le temps de les retenir... Du bout de ses doigts fins, elle toucha le reflet de Dean, sur la vitre. Son index lui caressait la joue, avant que sa main ne revienne contre elle.

« Dean. Je ne suis pas venue me moquer de toi. Je suis venue pour te dire que je ne voulais pas que tu meures. Je ne le supporterai pas. Je sais que tu le retrouveras. Et c’est ce qui me fait peur, Dean... Il est trop fort. Pour n’importe qui. Personne ne peut le battre, en solitaire. Si je te propose de l’aide, ce n’est pas pour te faire croire que tu n’es pas doué... Bien au contraire. »

Isabelle se fit muette, le temps de reprendre son souffle et de se retourner vers Dean. Ses yeux brillaient... Elle qui ne voulait pas montrer ce qu’elle ressentait... Mais elle ne les laisserait pas couler. Jamais. Elle fit quelques pas vers Dean.

« J’ai perdu bien assez de personnes à qui je tenais comme ça, Dean. Te perdre... Ne me force pas à penser à cette idée. Je sais ce que tu penses... Tu te dis que je ne peux pas m’inquiéter autant pour toi... Et que j’ai sûrement tort... Mais cherche la réponse au fond de toi, Dean, cherche-la bien, et tu verras la vérité. Laisse-moi être là pour toi... Dean... » elle s’interrompit, en face de lui, et reprit après quelques secondes, sans le quitter des yeux « Je tiens beaucoup trop à toi pour envisager de te perdre... Ne fais pas de bêtise, Dean... »

* Je t’en supplie... *

La jeune femme le fixa, intensément, son masque impassible étant revenu, petit à petit...

Les paroles de la jeune asiatique ne pansèrent que partiellement les plaies à vif du jeune homme. Bien sûr l’entêtement qu’elle mettait à le vouloir sauf, les sentiments qu’elle dévoilaient peu à peu sans pour autant vouloir clairement lui dire de quoi il retournait, l’aide qu’elle lui offrait trouvaient un faible écho chez lui. Mais tout était noyé par un sentiment bien plus fort et destructeur. La haine.

Il haïssait le démon mais pas seulement. Il haïssait également la personne qu’il était devenue. Pâle reflet de lui-même il n’était plus bon à rien si ce n’est courir après des chimères. De loin il avait observé Marie et le pire était qu’elle semblait l’oublier peu à peu. Elle avançait, elle vivait, elle sortait alors que lui il se sentait éteint.

Il n’eut pas le temps d’en placer une. Elle essayait toujours avec ce même calme et cette même douceur de forcer sa carapace. Mais son impassibilité commençait à lui courir sur le système. Elle était en décalage avec le message qu’elle essayait de lui faire passer. Elle n’aurait peut-être pas du se retenir de le gifler.

« Je n’ai besoin de personne ! Tu n’as pas compris ? Ton aide je n’en veux pas ! Qu’il soit fort ou pas n’a pas d’importance. Ca n’a plus d’importance… »

Sa voix se brisa et il réprima à grande peine la tristesse qui l’envahissait. La colère était un sentiment avec lequel il était plus à l’aise ces derniers temps. Elle lui donnait l’envie d’aller plus loin. D’aller jusqu’au bout.

« Ca ne sert à rien de venir ici la bouche en cœur et de dire que tu me comprends, que tu sais ce que je ressens. Personne ne peux. Tu n’es pas à ma place. Tu ne sais pas ce que je sais. TU NE SAIS RIEN ! RIEN ! »

Elle ne savait rien de ce qu’il avait ressenti lorsque la situation lui échappait et qu’il allait faire souffrir les personnes qui comptaient le plus pour lui. Il avait déjà partiellement ressenti ça lorsqu’ils étaient tous les deux et qu’ils avaient croisés le démon pour la première fois. Quand il avait vu que peut-être il ne tiendrait pas la distance.

« C’est de MA FAUTE… »

« Ma faute… » lâcha-t-il dans un souffle.

« J’ai tout perdu. TOUT ! »

La bouteille qu’il tenait dans la main s’écrasa sur le mur d’en face et se brisa en une gerbe d’éclats de verre et de bière. Il balaya d’un geste rageur tout ce qui était sur la table et renversa la chaise. Le souffle court il cherchait du regard quelque chose qu’il puisse encore détruire mais il n’avait rien à portée de main.
Quelqu’un dans la chambre d’à côté frappa contre le mur et il lui cria de la boucler et son regard se porta sur la jeune asiatique qu’il avait oubliée l’espace d’un instant.

Et il continuait. Il continuait de crier, de hurler, la haine et la douleur se mélangeaient dans son regard d’ambre. Il refusait de se laisser apprivoiser, de nouveau, il refusait son aide, son soutien. Mais Isabelle saurait l’obliger à l’accepter, quel qu’en soit le prix. Il avait besoin qu’on le mette en face de ses fautes, et qu’on l’oblige à les reconnaître, et pas à les fuir. Fuir ne servirait à rien. Strictement à rien. Et pourtant, même si au fond de lui il le savait forcément, il continuait de courir, de s’éloigner de ses problèmes, pour ne plus avoir à les affronter, pour ne plus avoir à supporter le poids de ses erreurs. Il agissait comme un lâche.

La jeune femme le regarda détruire tout ce qu’il avait à portée de main, immobile, mais plus impassible. Elle en avait assez, de ce Dean là. Elle voulait que le Dean qu’elle avait connu revienne, et elle resterait dans cette pièce, tant que cela n’aurait pas eu lieu. Et vu qu’il s’évertuait à la repousser, quand elle restait calme, elle allait maintenant opter pour des sentiments plus forts. Aux grands maux, les grands remèdes, ce n’est pas ce que l’on dit ?

« CA SUFFIT ! Arrête de te conduire en lâche, Dean ! Arrête ! » cria-t-elle, ses yeux brillants d’une lueur farouche.

Isabelle fixa son compagnon, le souffle court. Sur les nerfs, elle commença à faire les cent pas dans la pièce.

« Tu a tout perdu, tout est de ta faute… Mais bon sang, Dean, qu’est-ce qui te passe par la tête ?! Ca arrive que l’on fasse de grosses erreurs, au point où l’on pense que l’on est maudit. Mais il faut savoir se relever. Ca fait un mois, que je te course après, un mois que tu es dans cet état. Tu n’en n’as pas assez ? Tu n’en n’as pas assez, de t’emmurer dans un semblant de vie, de poursuivre ce démon sans jamais le trouver, et de te lamenter sur ton sort, en te noyant dans l’alcool ?! »

La Chasseuse s’avança vers l’homme, et emportée par la colère, l’impuissance, elle le saisit par les épaules et essaya, tant bien que mal, de le secouer un peu.

« Réagit ! Mais réagit bon Dieu ! Dean arrête ! Tu n’as pas tout perdu, ton père est là, ton frère aussi, ainsi que tous les autres… Et moi… Moi je suis là, Dean… Si tu ne t’enfonçais pas dans… cette… vie, tu le verrai. Je suis consciente qu’il te manque peut-être une personne importante, très importante, mais est-ce que cela justifie d’abandonner, aussi lâchement, toutes les autres ? Tout ceux à qui tu es cher ? Tu es égoïste, tu ne penses qu’à la manière la plus efficace d’oublier ta douleur, mais tu te fiche pas mal de celle que tu provoques aux autres… »

Isabelle appuya sa tête contre le torse de Dean, essoufflée. Elle ne supporterait pas de le perdre, de perdre quelqu’un d’important, encore une fois. Elle le serra fortement contre elle, et murmura dans un souffle :

« Reviens, Dean… Reviens… Ce monde là n’est pas fait pour toi, il est entrain de te tuer, à petit feu, et ça, je ne le supporte pas… Reprend toi… Ne me laisse pas… »

Rongé par la haine et par la colère il ne vit pas que son comportement commençait sérieusement à courir sur le haricot de la jeune asiatique et que si elle lui avait offert une épaule compatissante au départ elle n’était maintenant plus prête à l’écouter pleurer sur son triste sort mais qu’elle avait envie de le sortir de ce marasme dans lequel il s’embourbait jour après jour depuis l’attaque du démon, la perte de son bébé et sa rupture avec Marie.

Il resta interdit devant son brusque accès de colère, vexé qu’on lui pique sa place dans le rôle de celui qui piquait une crise de nerf. Muet, il accusa le coup. Il se sentait tout d’un coup bien petit face à la jeune femme qui faisait preuve d’une franchise et d’une honnêteté sans pareille.

Il refusait totalement de se l’avouer mais elle avait complètement raison. Depuis le départ son comportement était disproportionné et déplacé mais il n’arrivait pas à gérer la douleur autrement. Il avait vu son père se détruire avec la même méthode – l’alcool en moins – depuis la mort de sa mère et il avait tout naturellement adopté le même comportement sans se demander s’il n’y avait pas un autre moyen de s’en sortir.

Il la suivit du regard lorsqu’elle fit les cent pas et quand elle s’approcha de lui pour le secouer il fit un pas en arrière. Elle lui faisait entrevoir une partie de l’histoire qu’il avait complètement oblitérée. Jusqu’alors il n’avait eu aucune pensée pour les personnes qui pouvaient souffrir à cause de lui. Il n’y avait que lui. Il était le seul à souffrir réellement, le seul.

Il resta les bras le long de son corps tandis qu’elle se laissait aller contre lui et continuait son monologue. Pour la première fois de la soirée il entendait vraiment ce qu’elle disait et ses propos le choquèrent. Il aurait eu moins d’expérience en matière de femmes il aurait cru halluciner mais ce qu’elle disait ressemblait bel et bien à une sorte de déclaration.

« Qu’est –ce… » il s’était lourdement trompé sur elle. Il avait toujours cru qu’elle le prenait pour un pote. Un bon pote mais un pote avant tout.

Il sentit la pression de ses bras autour de lui et leva une main pour la poser sur sa hanche et la serrée contre lui. Il avait peu à peu repris son calme sous le choc mais il avait toujours du mal à avoir des pensées cohérentes.

« Je… » souffla-t-il sans réellement savoir où il voulait en venir alors qu’une mèche de cheveux ébène venait le chatouiller dans le cou.